lundi 13 juin 2016

Confidence




qui m'attends
là-bas
sur le trottoir
d'en face

je crie attends moi
mais l'image s'efface
dans une vibration
tremblante

ou bien elle reste immobile
comme une statue
elle ne bouge absolument pas

et c'est pire que la fuite
jamais je n'arriverai
à bouger ce bloc de pierre

le silence s'entend
jusque de l'autre coté
du monde

tu entends 
ce grondement
c'est le mot coincé 
dans la gorge
qui ne sort pas
pourquoi

si on te vole ton temps
bats toi bats-toi
sors de cet engluement

j'entends le chant de moondog
je vois des étoiles
je sors de mon corps


jeudi 26 mai 2016

Contre

Contre

moi                            contre
lui                              contre
l'arbre                        contre
vents et marées          contre
champ                        contre
les évidences

                                  contre




Sur le point de


franchir la ligne                              sur le point  de

passer outre                                  sur le point

d'oublier l'essentiel                        sur le point de                                                              
tomber dans un gouffre                  sur le point  de

ne pas voir la terre sous ses pas      sur le point

d'envol du héron                            sur le point

du juste équilibre de la phrase         sur le point

du i posé trop vite trop mal             sur le point de 

passer le pont                                 sur le point  de

fracasser son image dans le miroir
                                                        
                                                 
                                        sur le point de

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D'après une consigne de Philippe Aigrin proposé par Laura sur les prépositions

Voir  ICI

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lundi 23 mai 2016

Une photo qui vous touche





Dire pourquoi un photo nous touche, c'est de trop. Les mots à trouver existent-t-il alors qu'il s'agit de sensations et d'émotions. On aurait pour une fois envie de faire silence malgré la consigne et laisser parler l'image d'elle même. Ne voyez vous pas la vie, l'élévation, le lien, la joie, la grâce, les mouvements en écriture calligraphié. L'authenticité du trait le mouvements délié qui invite à la danse, une danse toute en légèreté et en reliance. Les lettres calligraphiées ont cette même résonance de vibration et d'élan. La lettre chemin de vie, la lettre ouverture à l'espace, aux gestes justes.

dessin et peinture de Ben


dimanche 22 mai 2016

Une consigne

Marcher à reculons! Consigne étrange! Alors que je pensais sauter ce jour sans idée aucune, une émission écoutée cette nuit sur FC m'a induit celle-là! C'était une interview de Wim Wenders sur les ailes du désir. J'ai réalisé que ce film avait bientôt  trente ans. Ça m'a fait un choc! Ce qu'il disait était passionnant, je ne pourrai tout redire ici, excepté cette phrase, marcher à reculons. Bizarrement ça m'arrive dans mes ballades avec l’explication que ça défatigue! Cette phrase symbolique du passé rejoignant mes marches du jour! Avancer vers l'avenir en regardant le passé, ça m'a parlé! Pas vous?


jeudi 19 mai 2016

Tache

Quand on regarde effaré, ce qu'on est, ce qu'on aurait pu être, ce qu'on a été, dans ce magma de contingence, social, génétique, familial, religieux, hasardeux, avec aussi ses propres forces, son propre génome, il est bien difficile de voir le sens, le but. Nous n'étions pas au départ une page vierge sans taches. Aujourd'hui le tracé de ce qu'on a tenté de graver sur le livre de vie s'efface dans un halo blafard. Seule l'écriture pourrait restituer l'histoire en se distançant suffisamment pour ne pas sombrer dans cette crevasse béante du pourquoi, l'épingler, la disséquer avec suffisamment de justesse de courage, d'un regard implacable, sans aucune concession.

mercredi 18 mai 2016

Tache

Comment décrire ce sentiment d'abîme indescriptible que l'on ressent en repensant à la vie traversée et qui me remonte à la gorge en lisant «Mémoire de fille d' Annie Ernaux», un sentiment d'abîme et de perte où l'on n'a pas sombré ? Par un concours de circonstances, une suite de hasards  inconcevables, on serait resté au bord, à moins que ne ce soit par la force du poignet, de par une énergie et une volonté ignorée même de soi, ou bien de par ces germes semés par nos géniteurs, ceux la même qui voulant nous protéger nous y précipitaient sans le vouloir, on se serait alors construit contre eux, provoquant ces forces contraires qui nous auraient tenus debout ?



lundi 16 mai 2016

Enfant

au creux des mères lové
inscrivant en germe
un futur dérobé

enfant porteur
d'avenir de souvenirs

enfant silence
où se dit peu à peu
la parole et les mots

visage vierge
paupières cachant
le mystère

de l'origine

O vois le tout petit
qui dort sur son cœur

mère veillant jusqu'à la mort
portant dans ses mains vieilles
l'amour palpitant intacte

On appends à être passage
sur la route on ne savait rien

on se déleste de ce qui était nous
ça continue à tordre les entrailles

empreinte de feu
blessure solaire
embrasant la peur

l'enfantement nous fait renaître à nouveau









vendredi 13 mai 2016

La toute première question qu'on va vous poser


Avez vous vu l'oiseau bleu? Ce ne sera pas vrai ce ne sera personne. C'est une question imaginaire à une personne imaginaire, mais cette question je la porte en moi depuis si longtemps. C'est peu-être la quête du bonheur? Qui peut savoir? La quête de l'enfant dans les contes, errant dans d'immenses pays aux forêts sombres, marchant dans des collines balayées par le vent, allant à la source des fleuves, frappant aux châteaux de passage pour demander sa route; mais méfiance l'ogre n'est pas loin, il guette sa proie, il a déjà tué l'oiseau bleu. Il n'y aura donc pas de réponse à la question. Il reste cependant encore un espoir, l'oiseau ne serait pas mort, il se cache dans les mots, dans les lettres. Pour ne pas perdre le nord je cherche et traduis des mots dans des lettres aux arabesques gracieuses rouges et ors, aux plumages bleus et je remonte à la source du langage.






jeudi 12 mai 2016

Fragments d'aujourd'hui raconté en poésie


Je ne sais pas faire de la poésie
ni avec mes mains ni avec ma tête
ne suis pas digne ne suis pas prête

trop d'orgueil
outre vide
sac d'os
tête en vrille

Je contemple
ce trou noir

lamentation de biche
appelant son faon

je n'ai pas vu
les aubes se succéder
ne peux rien en dire

j'ai fermé
paupières et volets
dans le noir absolu
j'écoute le sang pulsé

je n'écrirai pas
je resterai l'enfant
tenant la main de son père
humant l'odeur de tabac blond
émerveillé immortel

et plus jamais plus jamais
ne mettrai de poèmes 
dans sa boite à pipe

L'océan ne me prendra pas par la main à la fin

bien avant je jetterai
tous les feuillets les carnets
dans les vagues hautes

le papier mouillé d'écume
d'embruns de larmes
sera mon tombeau



mercredi 11 mai 2016

Une multitude de




Ainsi nous suivons le fil à travers des multitudes de possibilités et avec une stratégie d'incertitude nous avançons. A chaque pas s'ouvre un nouveau possible. Cette potentialité en l'homme de l'espérance à l'épreuve de la réalité, d'essayer toutes les hypothèses, telles des fractales se diffusant à l'infini dans l'espace. Destin et coutume s'opposent mais ils produisent le même effet, la répétition par les usages immémoriaux, les croyances ancestrales. Rompant avec eux on s'éprouve dans son unicité , mais on éprouve aussi la division du sujet, au risque de se perdre, ou de reproduire à nouveau les schémas inconscients du destin.


lundi 9 mai 2016

La ligne qui va

Faire revenir du passé les images, les sensations non par nostalgie mais pour renouer avec une intensité de vie, de bonheur. Tenter de s'y accorder avec toutes les couches rajoutées depuis . Défaire les constructions, suivre la ligne qui va de soi à soi, l'actualiser dans l' aujourd'hui. Préserver la vie d'une parole, la placer dans un horizon plus vaste, prendre au mot ce qu'on est. Ce qu'on saisit à la volée, prend forme sous nos yeux, révèle sa logique, sa cohérence, dans une lente remontée mot à mot, au cœur de ce qui est une pensée. Ce sont moins les mots qui guident, que essayer de dire un incertain de soi, un inconscient partout présent, difficile à cerner mais essentiel, quelque chose qui nous pétri, dont on est le ferment et dont on essaie d'accoucher.



vendredi 6 mai 2016

Un carré parfait

Enfin la douceur de l'air, enfin la joie de contempler le ciel, les prés, devant la fenêtre grande ouverte comme un bateau sur le large. Sentir la brise douce sur son visage, écouter le chant des oiseaux, des grillons. Rien d'autre ne vient interrompre cette méditation heureuse. Les hautes ombres des arbres s'étendent sur les collines vertes. Le bruit du vent dans les sapins fait un mugissement de mer. Fermer les yeux et l'embarquement pour le rêve est permis. Je pourrai tout aussi bien dessiner un carré parfait. Le bonheur ça a quelle forme?





mercredi 4 mai 2016

Aujourd'hui ce qu'il y a dedans






Je n'avais pas ouvert les petits galets recouverts de papier bleu, préférant les imaginer poser sur le sable de l'île, de toute couleur, de toute forme, troués parfois, et vous marchant doucement sur la plage pas loin du phare, le regard posé au sol à la recherche de ces petits trésors. Chacun d'eux étant un morceau de vos cœurs, je les garde bien à l'abri dans le papier bleu, qui m'évoque aussi le ciel de l'île et même celui qui cache un intrus, peut-être un coquillage, restera caché, protégé comme le secret, de vos âmes de poète et de peintre.





mardi 3 mai 2016

Sucré


Le bonheur aurait-il un goût sucré? Je me souviens des soirs d'été où l'on allait à vogue* dans la petite ville du bord de mer en Charente. Il y avait des vendeurs de sucreries dans des roulottes . Parfois notre mère nous achetait une gaufre au sucre ou à la chantilly, elle fondait encore chaude dans la bouche, on s'en léchait les doigts, ou bien c'était une chique, sorte de long bâton de sucre de couleur, qui s'étirait sur une machine bizarre, que l'on mangeait vite avant qu'il ne durcisse et qui collait au dents. Ça n'était pas à chaque sortie, c'était au bon plaisir de notre mère, on ne demandait rien, mais quand ça survenait, on était heureux. Mon frère était un peu amoureux de la vendeuse moi j'étais amoureuse de l'océan, du bruit des vagues la nuit, des soirs enjoués où couverts de pulls et de bonnets on ne sentait pas la fraîcheur océane, mon père et ma mère riaient ,fumant une cigarette. Amoureuse du bonheur.

*Le mot vogue est un mot de chez nous (Loire) désignant une fête foraine avec des manèges et des marchands de sucreries ambulants


lundi 2 mai 2016

Comment lui dire


Comment lui dire ce qui craque dans toutes les couches qu'on a fait siennes. Cette construction bizarre, bancale, que l'on bâti jour après jour, vaille que vaille, avec courage et qui parfois se défait, tombe en ruine ou en poussière. Parfois que l'on refait à l'identique, parfois que l'on délaisse comme un vieux tas de bois usé, telle une peau que l'on quitte pour muter vers autre chose qu'on ignore. Ce n'est pas une trahison, un reniement. C'est le chemin de soi qui se fait avec les érosions et les tempêtes. J'aimerai lui dire comment je pense à demain en regardant avec lucidité la vie la mort, en prenant chaque instant comme un cadeau précieux. Mais il n'est plus là.



vendredi 29 avril 2016

Orange


Il avait marché longtemps sur la route, le soir tombait. Il lui fallait trouver un abri. Au fond de la vallée il lui sembla voir briller les lumières d'un village tel un feu orange dans le lointain. Il s'y dirigea. Le vent commençait à être frais et il n'avait que sa robe de moine. Arrivé sur la place du petit hameau, il approcha de la seule auberge et entra dans la salle du bar. Une chaleur douce l'enveloppa aussitôt. Tous les yeux se tournèrent vers lui, il devait y avoir une dizaine de personnes, des gens du coin qui prenaient un dernier verre avant de rentrer.



Au delà des cents mots



On n'avait pas l'habitude ici en pays Lozérien de voir un moine Tibétain, habillé de son seul sari orange. Pendant un instant un épais silence s'installa. Il fut rompu par l'aisance du moine qui s'assit et demanda un thé. Peu à peu les conversations reprirent. De temps en temps on jetait un regard en coin, un bref coup d’œil curieux à l'apparition inattendue. Il y avait au fond du bar un peu dans la pénombre, un jeune habillé de noir qui buvait une bière, seul. Au bout d'un temps indéfini, il s'approcha du moine et l'interpella d'un air moqueur.

Suite et fin

"Des comme vous on n'en voit pas beaucoup par ici!"
Il s'installa à sa table, posa sa bière devant lui, étendit ses longues jambes et regarda le moine avec un sourire moqueur, comme s'il attendait de lui une parole qui aurait changé le cours des choses, voir même du temps. Le moine  sourit et le regarda avec sympathie, puis il plongea ses yeux dans ceux du jeune homme avec une telle acuité qu'on aurait dit que la salle s'éclairait d'un halo orange et s'illuminait de cette rencontre, inattendue, imprévisible ! 

  

jeudi 28 avril 2016

Le monde est petit. ( Autre jour)


Le monde est petit. Il pourrait tenir dans la main. Chaque grain de poussière étant le concentré de l'infiniment grand dans sa structure physique, tout pourrait se résumer à pas grand chose. Beaucoup de bruit pour rien. Pourtant tous ces peuples, ces cultures, ces histoires humaines qui sont passées sur la terre comme un souffle, un nuage que le vent a effacé. Ces chemins de vies, ces passions, ces rêves, qui ont inscrit depuis des millénaires leurs empreintes, cela fait un monde infiniment grand. «Lèves les yeux vers le ciel et compte les étoiles, ta descendance sera aussi nombreuse!» entendait Abraham dans ses voix intérieures qu'il prêtait à dieu. Une grande descendance pour un monde fragile qui s'épuise. Toutes les voix des ancêtres crient aujourd'hui pour la sauvegarde et la protection de la terre mère, nourricière, sauvage, belle, miraculeuse!




dimanche 24 avril 2016

Je renonce à




Je renonce à ne pas mourir. Cette phrase pourrait être un koan dans la tradition orientale ou une énigme dans la tradition occidentale, un aphorisme paradoxal frisant l'oxymore, de toutes les façons cela reste un défi philosophique proche de l'absurde; en effet comment renoncer à une telle évidence? Sans la négation cela paraît la parole d'un fou, d'un surhomme, je renonce à mourir. La double négation à un effet de creusement. Il nous faut chercher, descendre en nous même. Jusqu'à la fin on voudrait encore prolonger ce rêve d'immortalité, dire alors je renonce, serait une sentence formelle et sacré, partir vers  un réel aride, lutter contre les illusions de toutes sortes, d'enfance, de toute puissance, de pensées magiques, aller chercher, à la force des mains, des bras, des pieds, la vie, et tendre vers une sagesse sereine, in fine renoncer à ne pas mourir serait accepter complètement la vie et la mort. Je dois vous quitter, marcher encore. Je suis au pieds de la montagne. 



Le koan n’est pas un problème à résoudre dans un temps imparti. C'est une sorte d’énigme irrationnelle que l’on installe dans son esprit   et que l’on va laisser mûrir jusqu’à l’apparition de l’évidence.



vendredi 22 avril 2016

Plaque de rue





Qu' y avait-il au bout de cette rue, la petite fille le savait, mais c'était un secret. Bien sûr comme c'était la rue de l'Océan tout le monde se doutait que c'était l'océan, mais personne n'imaginait qu'elle parlait à la petite fille, que la mer avait une voix, un souffle qui l'emportait très loin, sur ses vagues roulantes d'écume. Elle était l'étendue bleue ou la houle grise, suivant les jours, douce et mutine ou bien coléreuse et effrayante, mais c'était son amie et chaque année elle la retrouvait intacte toujours aussi libre, toujours aussi belle au bout de la rue de l'océan.   

  

jeudi 21 avril 2016

Rouge

«Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge une fleur couleur de sang. Si tu veux que ça change et que ça bouge, lève-toi car il est temps"*  L'espoir a fondu, les coquelicots disparaissent dans les champs de blé, saturés de pesticides, les abeilles meurent peu à peu. Ne va t-il rester de rouge que le désespoir ou le sang de la mort, semé par des fanatiques fous d'un dieu barbare et sanguinaire. N'existe-t-il plus que ce faux mythe pour faire se lever des jeunes vers une révolution! Nos espérances soixante-huitardes tardent à apparaître, liberté égalité fraternité sont des mots bien sages, mis en cage, au service de l'argent, les derniers rêveurs traînent encore la nuit, debout sur les places des villes à la recherche d'un rêve déchiqueté.

*Paroles de Maurice Vidalin


mercredi 20 avril 2016

Ça n'aurait pas dû se passer ainsi ( mardi et mercredi )

Ça n'aurait pas du se passer ainsi, cette absence, ce long chemin de peine, on ne le choisit pas. Il aurait fallu que les mains touchées se rejoignent que quelque chose se noue entre eux comme un arbre dont les racines s'en vont loin dans la terre puiser l'eau des roches sombres , mais il n'y eut rien , pas de chemin, pas d'histoire, de mots prononcés, rien qu'un long silence et une absence éternelle. Requiem aeternam, condamné aux souvenirs. Après nous, qui se souviendra de vous, de vos mains nouées qu'on aurait voulu dénouer. Si au moins écrire soulageait.


lundi 18 avril 2016

Ils vont bien ensemble (jours en suspend)




Ils vont bien ensemble ces objets qui ne sont pas faits pour être là, serrés les uns près des autres. Certains proviennent des plages de Charente, ramassés sous les pontons, pierres trouées que la mer a rejetées. Un phare miniature, celui de la pointe ouest de l'île de Ré, le phare des baleines. Un héron, un canard en bois, une conque, sans oublier le bouquet de doudous dans un vase. La tour de l'horloge de la Rochelle, un vieux violon Indien posé sur une lampe artisanale qui me suit dans tous mes lieux locatifs. Cette lampe est faite d'une peinture recourbée rendue transparente par un trempage dans l'huile de lin. On y voit quelques points, des lignes dont une en pointillée, des taches de couleur pastelle. C'est pour moi le symbole de la vie qui passe avec ses fulgurances ses continuités ses balbutiements, l'air autour de nous, bleu pâle ou blanc et  la lumière mordorée.


dimanche 17 avril 2016

Itinéraire (jours passés)



Je ne sais pas quel itinéraire prendre. La route disparaît au loin et m'entraîne avec elle dans son resserrement infini. Le paysage qui défile me happe et me guette. Ecrire c'est oublier qu'on est mortel, c'est partir en voyage sur une route qui n'existe pas dans une direction X. Tout ce qui brille vous attire, un soleil levant, un lac, un étang, un coucher de soleil sur la mer. On rêve assis au bord du monde, les reflets du Canaletto tout près de votre main. D'un campanile, des mouettes tracent des lignes dans un bleu parfait, si loin si proche.


vendredi 15 avril 2016

Sac

Ce sentiment de solitude qui pèse comme un sac enfoncé sur les épaules et qui nous courbe le dos inexorablement vers la terre. Un sac rempli de nos efforts pour en sortir et ne plus être seul, de nos espoirs en vrac, éparpillés, les souvenirs, les regrets, les cris qu'on n'a pas pu crier, les pas que l'on a pas pu faire, les pierres ramassées sur le chemin, les fleurs séchées. Bien serrés en rang comme des images, les amis qu'on a perdus au long du temps. En rentrant je déposerai le sac à terre il s'évanouira, pendant la nuit! 


mercredi 13 avril 2016

Une pièce particulière



C'est un endroit silencieux, un peu surélevé, une tour au milieu des collines. La fenêtre étroite laisse passer la lumière avec parcimonie, une pièce particulière, petite, chaleureuse. Le mur de pierre, les poutres en bois donnent un sentiment d'intimité. On s'y sent bien. Par l'ouverture on voit l'horizon vallonné, les prés, l'étang, les chemins , les vaches. Le vert bondissant à l'intérieur apaise les yeux. Sur le mur, un tableau de San Francesco della Vigna à Venise, peinture d'un mur posé sur un autre mur, une mise en abîme, à moins que cela ne soit une autre fenêtre sur,      l'invisible.


lundi 11 avril 2016

Une personne nerveuse (Jour d'avant)

Une personne nerveuse, ce serait le chant d'une rivière inquiète qui ne dort jamais, non quelqu'un aux nerfs fragiles, qu'il est de bon aloi de dire, dès qu'elle a mal: "Ce sont les nerfs, ce n'est rien!" Ce n'est pas rien, c'est une sensibilité à l'écoute d'une musique qu'elle entend, au profond d'elle même, qu'elle ne peut communiquer, une rivière souterraine dont le chant ténu fait entre les pierres un crissement, ça provoque une douleur des nerfs et du cœur qui entraîne au fond de gouffres géologiques. Là, on voit des dessins rupestres dansant sur les murs ruisselant d'eau, un réseau de veines et de nerfs dans la roche incrustée. C'est le chant de la terre, le chant de l'ombre qui fait frémir tout le corps et parcours la peau de frissons.

samedi 9 avril 2016

Contre le mur

Lire à voix haute les poèmes. On est contre le mur. On lance sa voix au hasard comme une balle vers des visages des regards. On ne peut plus reculer. On se jette dans l'inconnu. Il faut laisser passer les mots hors de nous vers d'autres horizons, on ne sait rien, ils vous échappent vers un ailleurs incertain. Ce n'est plus notre voix c'est déjà , nous hanté par un autre, une possession. Nous sommes les passeurs, instrumentistes d'une partition , d'un auteur qui veut vivre encore par ses poèmes. On se fait humble pour qu'il chante sa mélodie encore et l'on se dit  "mon dieu je l'ai trahi!"

vendredi 8 avril 2016

Laissez passer les petits papiers

Petits papiers qu'on a laissé s'envoler, passer au dessus de nos têtes. Des mots trop importants, qu'on a oublié. Partis dans les nuages, dans le ciel bleu, on ne pourra les rattraper. Il fallait les laisser filer, comme on laisse la vie s'enfuir, se dérober, s'esquiver sans cesse, quand on croit la fixer sur les pages d'un carnet, effeuillé lentement au fil des ans. Ces phrases écrites à la va vite, illisibles, sur un bout de table, au bord des larmes, dans une lumière fragile et tremblante. Que reste-t-il, un peu de poussière au bout des doigts, légère trace de notre mémoire enfuie.

mercredi 6 avril 2016

Le temps qu'il fait

Pause en ville plus longue que prévue, je suis sur un banc de cette place, sous un arbre en fleur et il fait beau. Des enfants jouent au ballon, des pigeons s'envolent, les arbres font des bouquets d'ombre sur la pelouse toute neuve, d'un vert vif. Les voitures attendent au feu rouge. Les trams animent le grande rue. Il fait beau. Banalité de la ville et beauté de l'instant. Cela vient de la lumière, des fleurs, du vert tendre des feuilles, de la douceur de l'air. Le beau temps transforme l'ordinaire de la vie en beauté. S'arrêter et goûter. Le bonheur est un hold-up permanent, çà se pique, ça se vole.


mardi 5 avril 2016

Un mot que j'ai écrit

Difficile de choisir dans les centaines de mots écrits depuis des mois. Pourquoi celui-ci, plutôt que celui-là. Le choix ferait des jaloux! Les autres mots vont s'indigner! Devant cette éventualité je reste dans l'expectative et l'incapacité à mettre un mot en avant. Si je prends «équilibre» je pourrai dire aux autre mots que l'important c'est leur agencement, leur équilibre dans le texte, le balancement des phrases, l'accentuation d'un verbe, d'une répétition. Donc je choisirai équilibre et je n'entendrai pas la rumeur de révolte. J'aurai sauvé ma peau, avec une pirouette, j'aurai évité un complot, voir même la guerre des mots.

lundi 4 avril 2016

Ceux que l'on porte



Ils sont en nous tout le temps, tellement présents, tout le temps, parfois de façon légère, d'autrefois ils alourdissent notre pas. Ils ne nous quittent pas, jamais, c'est ainsi, ce sont eux qui nous ont faits, ils sont dans notre chair, c'est nous qui les faisons désormais par les souvenirs, les images. Parfois on ploie un peu la tête et s'échappent de nous un chapelet de moments heureux. On les laisse partir alors en paix jusqu'à la prochaine fois, où ils enchaîneront nos pieds ou nous lieront les mains.

Photo:  Charlotte Salomon artiste peintre
             1917-1943


dimanche 3 avril 2016

Ce que l'on porte

Les cartables au long des années d'école puis de collège, puis de lycée où ils deviennent des sacs informes, des boges remplis de livres inutiles et ennuyeux, si lourds de l'impossibilité d'apprendre. La mémoire se dérobe, sauf pour quelques poésies pour la musique et le dessin. Ce que l'on porte, sur le dos, à bout de bras, dans des mains fragiles qui se déforment à la fin. Les sacs de courses, que l'on transportent immuablement du super marché à la voiture, de la voiture à la maison. Tous les enfants portés comme un trésor au creux des bras, au cœur des mains, sans jamais faillir. 

samedi 2 avril 2016

Signature

Écrire serait une signature en mouvement, avec tous ces aspects de soi égrenés et changeants; un renoncement à soi pour devenir autre chose, un espace libre, une échappée du quotidien. Dans cette plage blanche on peut intégrer tout ce qu'on a rencontré dans le jour, les choses, les animaux, les êtres, la nature, le ciel, la nuit, la rivière, l'océan, les absorber en soi puis les restituer sur la feuille de papier, en mots éparpillés, fracassés. Un chemin de vacance, de vacuité, d'errance. Un chemin d'enfance, un chemin de joie de solitude et d'absolue nécessité où l'on rencontre son ombre parfois. On apprend à marcher avec elle.

vendredi 1 avril 2016

Un pur mensonge

Un pur mensonge qui ne s'achève jamais, quand on broie dans se main nue les restes de la nuit, alors on croit encore au héros de naguère celui sur son destrier qui avance tenant tête aux monstres, aux cauchemars, à la mort même. Ce héros est toujours là, au fond d'un lourd sommeil. Il est beau comme les chevaliers d'antan, il n'a pas d'armure, son courage lui sert de bouclier et il lutte contre le mal ,toujours. Son drapeau c'est le bien, ses armoiries ce sont paix amour et vérité. Il avance! le roi des rois! Il pourrait écrire sur sa tête des paroles sages, que l'on entendraient, par de là le temps et l'orage.  

* Aujourd'hui, quatre jours en un

samedi 26 mars 2016

J'éviterai de dire (Jours d'avant)

J'éviterai de dire, toutes les actions éclairs ramassées en vrac dans une journée. Un bric à brac d'actes automatiques que l'on fait sans penser, une robotique bien huilée. Des repas au travail, des transports aux courses, des loisirs, des réunions... Parfois on s'arrête sur le bord de la route, égaré, on regarde le temps défiler. Il s'étire un peu. Il n'est plus morcelé. On se dit qui suis-je et où vais-je ? Il semble que l'on peut ressentir dans ces brefs instants d'arrêt sur image, la continuité d'une ligne directrice. Est-ce qu'on la suit, ou est-ce elle qui nous met en mouvement? Le mystère est entier. Ça change tout le temps. 

* Trois jours en un

vendredi 25 mars 2016

Un air en tête



Parfois on se trouve au milieu d'un groupe, plus enfermé encore que dans la meilleure prison du monde. Il n'y a aucun moyen d'en sortir. Les murs sont hauts et épais. On est au bord d'un abîme, personne ne le voit. On glisse entre les gens comme une ombre, tellement absent qu'on disparaît vraiment aux yeux des autres, c'est terrifiant. Comme cette absence est souffrance. On voudrait crier mais on est un personnage de papier sans voix, le cri ne sort pas. Silhouette fantomatique d'un cauchemar dont on ne peut s'éveiller. C'est cet air là qui est posé sur nous tel un masque de cire, le mal de vivre.


mercredi 23 mars 2016

Toucher

Toucher du doigt la blessure originelle. Oublier la séparation. Rester relié aux étoiles. Ce sera facile d'avancer dans le sable jaune du désert, sous une lune d'argent. Il y aura nos pas derrière nous pour aider ceux qui suivront. Près du puits nous partagerons l'eau limpide et rafraîchissante. Nous irons à la rencontre de l'ombre souterraine, celle qui la nuit avance et nous ravit nos souvenirs. Un temps pour le silence, un temps pour le chant, un chant accordé aux cristaux de sable glissant sous la dune, le vent dessinera des arabesques que nous suivrons en dansant.

mardi 22 mars 2016

Ce qu'il en restera dans un an

Écrire la banalité du quotidien au jour le jour, les petites choses éphémères rencontrées au hasard, les personnes, les regards, les paysages effleurés et ce qu'il en restera dans un an , rien. Quelques mots qui tentent de garder une mémoire fragile. Une archéologie des jours ensevelis peu à peu dans le court du temps. Exercice dérisoire mais qui redonne à ces petits instants de rien une couleur. La beauté de la vie qui passe, un trait de lumière imperceptible, si peu de chose en somme . Tenter de retrouver dans l'écriture la fluidité du temps qui s'écoule comme l'eau.


dimanche 20 mars 2016

Au pied du lit



Au pied du lit j'écoute le clair de lune de Debussy. J'imagine tes rêves rejoignant les miens. Je ne sais si tu dors ou te laisse bercer par la musique. Je ne sais qui est dans le lit. C'est l'enfant ou le grand vieillard, l'enfant que l'on endort par les arpèges du piano, le vieillard que l'on rassure à l'approche de la nuit. Au pied du lit se relie le début et la fin de la vie en un beau cercle parfait, une orbe paisible, un juste équilibre, La musique trait d'union entre le début et la fin, une douce harmonie.

samedi 19 mars 2016

En toc

Les dentelles et les broderies de nos mères n'étaient pas en toc. En se penchant sur les festons, arabesques, lettres on voit tout le travail du fil passé, repassé, laissant espaces et jours. On imagine mères et grands mères courbées sur leur tissu à s'en user les yeux, devant la boite à ouvrage remplie de fils de couleurs. C'est émouvant. Je n'ai pas repris ni l'aiguille ni le crochet, trop impressionné par la précision du geste par la patience aussi. Je m'use les yeux sur les livres et construis des formes fantaisistes avec mon imaginaire, allant chercher dans les histoires et les poèmes la légèreté de la dentelle, l'agencement des mots en broderie fine.


vendredi 18 mars 2016

Un moment où j'ai regardé l'heure

Lorsque j'ai regardé l'heure à la tour de l'horloge, il était midi et je devais encore faire le tour des magasins des rues piétonne de La Rochelle à la recherche d'un petit bateau en bois. Les rues étaient pleine de monde malgré l'heure tardive et le soleil brillait sur l'eau du porc. Entre les deux tours celle des quatre Sergents et la Tour Saint Nicolas une échappée de bleu vers le grand large. Ça faisait toujours rêver mon père et il s'échinait à peindre cette lumière dans ses tableaux, je me contentais de contempler dans un total moment de dilettantisme.