vendredi 29 avril 2016

Orange


Il avait marché longtemps sur la route, le soir tombait. Il lui fallait trouver un abri. Au fond de la vallée il lui sembla voir briller les lumières d'un village tel un feu orange dans le lointain. Il s'y dirigea. Le vent commençait à être frais et il n'avait que sa robe de moine. Arrivé sur la place du petit hameau, il approcha de la seule auberge et entra dans la salle du bar. Une chaleur douce l'enveloppa aussitôt. Tous les yeux se tournèrent vers lui, il devait y avoir une dizaine de personnes, des gens du coin qui prenaient un dernier verre avant de rentrer.



Au delà des cents mots



On n'avait pas l'habitude ici en pays Lozérien de voir un moine Tibétain, habillé de son seul sari orange. Pendant un instant un épais silence s'installa. Il fut rompu par l'aisance du moine qui s'assit et demanda un thé. Peu à peu les conversations reprirent. De temps en temps on jetait un regard en coin, un bref coup d’œil curieux à l'apparition inattendue. Il y avait au fond du bar un peu dans la pénombre, un jeune habillé de noir qui buvait une bière, seul. Au bout d'un temps indéfini, il s'approcha du moine et l'interpella d'un air moqueur.

Suite et fin

"Des comme vous on n'en voit pas beaucoup par ici!"
Il s'installa à sa table, posa sa bière devant lui, étendit ses longues jambes et regarda le moine avec un sourire moqueur, comme s'il attendait de lui une parole qui aurait changé le cours des choses, voir même du temps. Le moine  sourit et le regarda avec sympathie, puis il plongea ses yeux dans ceux du jeune homme avec une telle acuité qu'on aurait dit que la salle s'éclairait d'un halo orange et s'illuminait de cette rencontre, inattendue, imprévisible ! 

  

jeudi 28 avril 2016

Le monde est petit. ( Autre jour)


Le monde est petit. Il pourrait tenir dans la main. Chaque grain de poussière étant le concentré de l'infiniment grand dans sa structure physique, tout pourrait se résumer à pas grand chose. Beaucoup de bruit pour rien. Pourtant tous ces peuples, ces cultures, ces histoires humaines qui sont passées sur la terre comme un souffle, un nuage que le vent a effacé. Ces chemins de vies, ces passions, ces rêves, qui ont inscrit depuis des millénaires leurs empreintes, cela fait un monde infiniment grand. «Lèves les yeux vers le ciel et compte les étoiles, ta descendance sera aussi nombreuse!» entendait Abraham dans ses voix intérieures qu'il prêtait à dieu. Une grande descendance pour un monde fragile qui s'épuise. Toutes les voix des ancêtres crient aujourd'hui pour la sauvegarde et la protection de la terre mère, nourricière, sauvage, belle, miraculeuse!




dimanche 24 avril 2016

Je renonce à




Je renonce à ne pas mourir. Cette phrase pourrait être un koan dans la tradition orientale ou une énigme dans la tradition occidentale, un aphorisme paradoxal frisant l'oxymore, de toutes les façons cela reste un défi philosophique proche de l'absurde; en effet comment renoncer à une telle évidence? Sans la négation cela paraît la parole d'un fou, d'un surhomme, je renonce à mourir. La double négation à un effet de creusement. Il nous faut chercher, descendre en nous même. Jusqu'à la fin on voudrait encore prolonger ce rêve d'immortalité, dire alors je renonce, serait une sentence formelle et sacré, partir vers  un réel aride, lutter contre les illusions de toutes sortes, d'enfance, de toute puissance, de pensées magiques, aller chercher, à la force des mains, des bras, des pieds, la vie, et tendre vers une sagesse sereine, in fine renoncer à ne pas mourir serait accepter complètement la vie et la mort. Je dois vous quitter, marcher encore. Je suis au pieds de la montagne. 



Le koan n’est pas un problème à résoudre dans un temps imparti. C'est une sorte d’énigme irrationnelle que l’on installe dans son esprit   et que l’on va laisser mûrir jusqu’à l’apparition de l’évidence.



vendredi 22 avril 2016

Plaque de rue





Qu' y avait-il au bout de cette rue, la petite fille le savait, mais c'était un secret. Bien sûr comme c'était la rue de l'Océan tout le monde se doutait que c'était l'océan, mais personne n'imaginait qu'elle parlait à la petite fille, que la mer avait une voix, un souffle qui l'emportait très loin, sur ses vagues roulantes d'écume. Elle était l'étendue bleue ou la houle grise, suivant les jours, douce et mutine ou bien coléreuse et effrayante, mais c'était son amie et chaque année elle la retrouvait intacte toujours aussi libre, toujours aussi belle au bout de la rue de l'océan.   

  

jeudi 21 avril 2016

Rouge

«Accroche à ton cœur un morceau de chiffon rouge une fleur couleur de sang. Si tu veux que ça change et que ça bouge, lève-toi car il est temps"*  L'espoir a fondu, les coquelicots disparaissent dans les champs de blé, saturés de pesticides, les abeilles meurent peu à peu. Ne va t-il rester de rouge que le désespoir ou le sang de la mort, semé par des fanatiques fous d'un dieu barbare et sanguinaire. N'existe-t-il plus que ce faux mythe pour faire se lever des jeunes vers une révolution! Nos espérances soixante-huitardes tardent à apparaître, liberté égalité fraternité sont des mots bien sages, mis en cage, au service de l'argent, les derniers rêveurs traînent encore la nuit, debout sur les places des villes à la recherche d'un rêve déchiqueté.

*Paroles de Maurice Vidalin


mercredi 20 avril 2016

Ça n'aurait pas dû se passer ainsi ( mardi et mercredi )

Ça n'aurait pas du se passer ainsi, cette absence, ce long chemin de peine, on ne le choisit pas. Il aurait fallu que les mains touchées se rejoignent que quelque chose se noue entre eux comme un arbre dont les racines s'en vont loin dans la terre puiser l'eau des roches sombres , mais il n'y eut rien , pas de chemin, pas d'histoire, de mots prononcés, rien qu'un long silence et une absence éternelle. Requiem aeternam, condamné aux souvenirs. Après nous, qui se souviendra de vous, de vos mains nouées qu'on aurait voulu dénouer. Si au moins écrire soulageait.


lundi 18 avril 2016

Ils vont bien ensemble (jours en suspend)




Ils vont bien ensemble ces objets qui ne sont pas faits pour être là, serrés les uns près des autres. Certains proviennent des plages de Charente, ramassés sous les pontons, pierres trouées que la mer a rejetées. Un phare miniature, celui de la pointe ouest de l'île de Ré, le phare des baleines. Un héron, un canard en bois, une conque, sans oublier le bouquet de doudous dans un vase. La tour de l'horloge de la Rochelle, un vieux violon Indien posé sur une lampe artisanale qui me suit dans tous mes lieux locatifs. Cette lampe est faite d'une peinture recourbée rendue transparente par un trempage dans l'huile de lin. On y voit quelques points, des lignes dont une en pointillée, des taches de couleur pastelle. C'est pour moi le symbole de la vie qui passe avec ses fulgurances ses continuités ses balbutiements, l'air autour de nous, bleu pâle ou blanc et  la lumière mordorée.


dimanche 17 avril 2016

Itinéraire (jours passés)



Je ne sais pas quel itinéraire prendre. La route disparaît au loin et m'entraîne avec elle dans son resserrement infini. Le paysage qui défile me happe et me guette. Ecrire c'est oublier qu'on est mortel, c'est partir en voyage sur une route qui n'existe pas dans une direction X. Tout ce qui brille vous attire, un soleil levant, un lac, un étang, un coucher de soleil sur la mer. On rêve assis au bord du monde, les reflets du Canaletto tout près de votre main. D'un campanile, des mouettes tracent des lignes dans un bleu parfait, si loin si proche.


vendredi 15 avril 2016

Sac

Ce sentiment de solitude qui pèse comme un sac enfoncé sur les épaules et qui nous courbe le dos inexorablement vers la terre. Un sac rempli de nos efforts pour en sortir et ne plus être seul, de nos espoirs en vrac, éparpillés, les souvenirs, les regrets, les cris qu'on n'a pas pu crier, les pas que l'on a pas pu faire, les pierres ramassées sur le chemin, les fleurs séchées. Bien serrés en rang comme des images, les amis qu'on a perdus au long du temps. En rentrant je déposerai le sac à terre il s'évanouira, pendant la nuit! 


mercredi 13 avril 2016

Une pièce particulière



C'est un endroit silencieux, un peu surélevé, une tour au milieu des collines. La fenêtre étroite laisse passer la lumière avec parcimonie, une pièce particulière, petite, chaleureuse. Le mur de pierre, les poutres en bois donnent un sentiment d'intimité. On s'y sent bien. Par l'ouverture on voit l'horizon vallonné, les prés, l'étang, les chemins , les vaches. Le vert bondissant à l'intérieur apaise les yeux. Sur le mur, un tableau de San Francesco della Vigna à Venise, peinture d'un mur posé sur un autre mur, une mise en abîme, à moins que cela ne soit une autre fenêtre sur,      l'invisible.


lundi 11 avril 2016

Une personne nerveuse (Jour d'avant)

Une personne nerveuse, ce serait le chant d'une rivière inquiète qui ne dort jamais, non quelqu'un aux nerfs fragiles, qu'il est de bon aloi de dire, dès qu'elle a mal: "Ce sont les nerfs, ce n'est rien!" Ce n'est pas rien, c'est une sensibilité à l'écoute d'une musique qu'elle entend, au profond d'elle même, qu'elle ne peut communiquer, une rivière souterraine dont le chant ténu fait entre les pierres un crissement, ça provoque une douleur des nerfs et du cœur qui entraîne au fond de gouffres géologiques. Là, on voit des dessins rupestres dansant sur les murs ruisselant d'eau, un réseau de veines et de nerfs dans la roche incrustée. C'est le chant de la terre, le chant de l'ombre qui fait frémir tout le corps et parcours la peau de frissons.

samedi 9 avril 2016

Contre le mur

Lire à voix haute les poèmes. On est contre le mur. On lance sa voix au hasard comme une balle vers des visages des regards. On ne peut plus reculer. On se jette dans l'inconnu. Il faut laisser passer les mots hors de nous vers d'autres horizons, on ne sait rien, ils vous échappent vers un ailleurs incertain. Ce n'est plus notre voix c'est déjà , nous hanté par un autre, une possession. Nous sommes les passeurs, instrumentistes d'une partition , d'un auteur qui veut vivre encore par ses poèmes. On se fait humble pour qu'il chante sa mélodie encore et l'on se dit  "mon dieu je l'ai trahi!"

vendredi 8 avril 2016

Laissez passer les petits papiers

Petits papiers qu'on a laissé s'envoler, passer au dessus de nos têtes. Des mots trop importants, qu'on a oublié. Partis dans les nuages, dans le ciel bleu, on ne pourra les rattraper. Il fallait les laisser filer, comme on laisse la vie s'enfuir, se dérober, s'esquiver sans cesse, quand on croit la fixer sur les pages d'un carnet, effeuillé lentement au fil des ans. Ces phrases écrites à la va vite, illisibles, sur un bout de table, au bord des larmes, dans une lumière fragile et tremblante. Que reste-t-il, un peu de poussière au bout des doigts, légère trace de notre mémoire enfuie.

mercredi 6 avril 2016

Le temps qu'il fait

Pause en ville plus longue que prévue, je suis sur un banc de cette place, sous un arbre en fleur et il fait beau. Des enfants jouent au ballon, des pigeons s'envolent, les arbres font des bouquets d'ombre sur la pelouse toute neuve, d'un vert vif. Les voitures attendent au feu rouge. Les trams animent le grande rue. Il fait beau. Banalité de la ville et beauté de l'instant. Cela vient de la lumière, des fleurs, du vert tendre des feuilles, de la douceur de l'air. Le beau temps transforme l'ordinaire de la vie en beauté. S'arrêter et goûter. Le bonheur est un hold-up permanent, çà se pique, ça se vole.


mardi 5 avril 2016

Un mot que j'ai écrit

Difficile de choisir dans les centaines de mots écrits depuis des mois. Pourquoi celui-ci, plutôt que celui-là. Le choix ferait des jaloux! Les autres mots vont s'indigner! Devant cette éventualité je reste dans l'expectative et l'incapacité à mettre un mot en avant. Si je prends «équilibre» je pourrai dire aux autre mots que l'important c'est leur agencement, leur équilibre dans le texte, le balancement des phrases, l'accentuation d'un verbe, d'une répétition. Donc je choisirai équilibre et je n'entendrai pas la rumeur de révolte. J'aurai sauvé ma peau, avec une pirouette, j'aurai évité un complot, voir même la guerre des mots.

lundi 4 avril 2016

Ceux que l'on porte



Ils sont en nous tout le temps, tellement présents, tout le temps, parfois de façon légère, d'autrefois ils alourdissent notre pas. Ils ne nous quittent pas, jamais, c'est ainsi, ce sont eux qui nous ont faits, ils sont dans notre chair, c'est nous qui les faisons désormais par les souvenirs, les images. Parfois on ploie un peu la tête et s'échappent de nous un chapelet de moments heureux. On les laisse partir alors en paix jusqu'à la prochaine fois, où ils enchaîneront nos pieds ou nous lieront les mains.

Photo:  Charlotte Salomon artiste peintre
             1917-1943


dimanche 3 avril 2016

Ce que l'on porte

Les cartables au long des années d'école puis de collège, puis de lycée où ils deviennent des sacs informes, des boges remplis de livres inutiles et ennuyeux, si lourds de l'impossibilité d'apprendre. La mémoire se dérobe, sauf pour quelques poésies pour la musique et le dessin. Ce que l'on porte, sur le dos, à bout de bras, dans des mains fragiles qui se déforment à la fin. Les sacs de courses, que l'on transportent immuablement du super marché à la voiture, de la voiture à la maison. Tous les enfants portés comme un trésor au creux des bras, au cœur des mains, sans jamais faillir. 

samedi 2 avril 2016

Signature

Écrire serait une signature en mouvement, avec tous ces aspects de soi égrenés et changeants; un renoncement à soi pour devenir autre chose, un espace libre, une échappée du quotidien. Dans cette plage blanche on peut intégrer tout ce qu'on a rencontré dans le jour, les choses, les animaux, les êtres, la nature, le ciel, la nuit, la rivière, l'océan, les absorber en soi puis les restituer sur la feuille de papier, en mots éparpillés, fracassés. Un chemin de vacance, de vacuité, d'errance. Un chemin d'enfance, un chemin de joie de solitude et d'absolue nécessité où l'on rencontre son ombre parfois. On apprend à marcher avec elle.

vendredi 1 avril 2016

Un pur mensonge

Un pur mensonge qui ne s'achève jamais, quand on broie dans se main nue les restes de la nuit, alors on croit encore au héros de naguère celui sur son destrier qui avance tenant tête aux monstres, aux cauchemars, à la mort même. Ce héros est toujours là, au fond d'un lourd sommeil. Il est beau comme les chevaliers d'antan, il n'a pas d'armure, son courage lui sert de bouclier et il lutte contre le mal ,toujours. Son drapeau c'est le bien, ses armoiries ce sont paix amour et vérité. Il avance! le roi des rois! Il pourrait écrire sur sa tête des paroles sages, que l'on entendraient, par de là le temps et l'orage.  

* Aujourd'hui, quatre jours en un